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Manifeste D’Ed Solo


Pourquoi partir seul ? 

Il y a des tas de mauvaises raisons de démarrer un projet en solo.

Parce qu’on en a marre d’attendre, de devoir compter sur les autres…  

Parce que la vitesse apparente du “seul-maître-à bord" semble plus alléchante que le temps long et intense de la démocratie. Parce que la tyrannie qu’on impose est acceptable quand elle  ne s’applique qu’à soi ? …

Bref



Pourquoi un Solo ? 

Depuis la création de D.T.M beaucoup de chemin a été fait sur mon rapport à la création collective, sur l’endroit du soi dans le groupe, sur mes envies musicales et mes obsessions personnelles. Et si l'expérimentation fait partie du chœur de D.T.M, je m’y astreint tout de même à une forme d’efficacité parfois. Pour ne pas gêner le rythme commun, pour avancer, parce qu’on a peu de temps ensemble, pour travailler plus vite au vu de l’éclatement géographique des membres de la formation. 


Ce qui est étrange avec un solo c’est qu’on l’emporte en permanence avec soi. Même sans jouer, même sans y penser. Il y a une permanence dans le travail possible. Une tache de fond. L’écriture peut se projeter plus à l’avance. Le cadre mental de la création se déploie sans jamais rencontrer l’éventualité que ça ne colle pas avec les autres. Pour le meilleur et pour le pire, le cadre devient parfois un grenier bordélique avec des dizaines d'objets vieux, rouillés et sans forme, abandonnés là en cours de route. Mais en prenant le temps de fouiller amoureusement dans ce merdier, on en retire parfois des pépites.

De là l’envie de reprendre plein de trucs que j’avais fait plus tôt, seul. Assumer ces objets fait dans mon coin. En faire quelque chose à ma manière.


Si je suis tout à fait honnêtes, cependant, un solo ne se fait jamais seul je crois.


Disons… Je ne crée jamais seul, il y a d’abord toute la constellation des amitiés, des camarades, des oreilles intimes, que je sollicite timidement; qui aident à préciser par leur écoute, par le miroir de l’autre, les contours du projet, à générer un peu de confiance, à dépasser la sensation d’être une fraude, à construire une légitimité à exister dont j’ai longtemps crus qu’elle était une fausse question. 


En vérité je profitais juste, nonchalamment, de privilèges indus, et d’une inconscience arrogante qui m’a protégée un temps.

Aujourd’hui certaines choses avancent assez dans le bon sens pour que ces questions me reviennent dans la gueule et me demandent de m’y pencher sérieusement si je ne veux pas finir comme la horde des boomers et de la pré-générations X qui ne savent plus quoi faire de leur inconsistance généralisée…. Mais je m’éloigne.


Je ne se crée pas seul.

Passé le temps de la création primesautière, la myriade des aides techniques et administratives au sein de Distotal se mettent en branle et participent à la réalisation, se tiennent à mes côtés et nourrissent le processus créatif pour rendre l’intime publique et l’émotion collective.  Il n’y a pas de projet, il n’y a pas de solo, sans Iels.  

Rien de nouveau là-dedans, ces obsessions là ; du groupe, de la catharsis…, viennent de ma formation théâtrale, qui fait que je n’arrive guère à imaginer un son, un chant, un morceau,  sans en appréhender aussitôt sa portée, sa faisabilité en public. Sans avoir conscience que même un seul en scène est issu d’une équipe. 


Et il y a les références autour de moi aussi. Celles que j’ai en tête, celles que je croise concrètement, que je vois travailler et qui ouvrent des portes devant mes yeux ébahis. Qui me donnent le courage et l'envie. 

A cet instant je pense particulièrement à Brumera, François-Henri, que je vois travailler depuis maintenant bien six ans, de près, inlassablement, traverser des océans de doutes, proche de lâcher les rames, et reprendre. 

Comme dans sa chanson Blackwater.

Chanson dans laquelle il invita le label à se glisser lors d’une résidence à Wesserling; conjuguant l’individu et le collectif d’une manière si simple, si douce, et puissante. Cela reste pour moi une référence importante, un jalon dans mon esprit, cet endroit du solo qu’il donna à voir.

Un horizon : 

Être capable, en gardant indéniablement une identité toute singulière, d’être aussi lieu d’accueil et réceptacle des sensibilités qui nous entoure quand on se lance dans une aventure “en solo”. 


Pourquoi D’Ed Solo ?

Après plusieurs années à travailler comme interprète dans le spectacle vivant et à enseigner en tant qu’acteur le jeu théâtrale, j’en viens à me dire que ce que l’on travail c’est une hyper-sensibilité active. Créer en soi les conditions d’une sensibilité exacerbée à l’extrême sur le temps de la représentation. C'est-à-dire qui absorbe et renvoie, dans un mouvement de va et vient permanent, d’une part ce qui nous entoure, ce que nous traversons, et ce dont nous sommes témoins de ce que d’autres traversent ; et d’autre part la représentation de ce savoir acquis, de ces émotions transmises, qui nous encombre peut-être, qui  nous remplisse et que l’on sait aussi pouvoir être convoquer pour toujours ou presque. 

L’on rend gratuitement les émotions que l’on rencontre. Leurs souvenirs ne s'effacent pas en les traversant et en les donnant à voir. Elles sont pour toujours disponibles et se multiplient à chaque transmissions  sans effort autre que celui de les rendre visibles. 

Il faut, dès lors qu’on le peut, se rendre disponible à elles et les laisser nous traverser visiblement, sans pudeur, les laisser nous agir,  devant des personnes, que l’on invite à venir voir ces émotions d’ordinaire si peu visibles hors du cadre extrêmement intime. C’est une chose tout à fait gratuite au sens où on ne la perd pas en la donnant. Et pourtant, en Europe occidental du moins, nous sommes très avares de la monstration de nos émotions. On joue au plus malin avec, et les maintenir à distance, les minimiser dans la moqueries, passe bien souvent pour de la maîtrise et de la hauteur de vue.

Le cynisme est l’apanage des tyrans et les tyrans nous dominent, nous entoures, nous composent intimement et nous vivons la plupart du temps sous leur modèle de représentation.  

La monstration sans filtre et sans distance est alors communément vue comme une attitude obscène. 


Il y a aussi dans le projet D’Ed solo un besoin, égoïste, de faire apparaître cette hypersensibilité qui aujourd’hui m'encombre parfois. Cette obscénité planquée chaque jour. De lui donner une forme autonome, débarrassé du metteur en scène, de l’auteur, ou des toutes autres formes tutélaires voulant la domestiquer. La laisser s’épancher. La laisser grossir le monstre qui voudrait ne plus s’excuser d’exister. Combattre la tentation d’anesthésier ce qui me fait mal, ( Je suis souvent emporté par une apathie totale, une sorte de mort interne, pour éviter la douleur qui se présente, qui ressurgit, ou qui fait mémoire) par son agitation impudique au grand air.  

Alors une réponse dans ce projet, peut-être, par la mise à nus et la célébration , le sacrifice et la fête. Car ces douleurs, si elles se vivent à l’intérieur de soi, pour moi prennent un sens quand on les (re)traverse collectivement. Quand on fait une force commune de l’expérience intime. Quand on les transforme en un feu de joie dont le combustible se trouve dans nos maux. Les mots des poétan comme catalyseur de ce besoin, la musique comme souffle pour nourrir le brasier.


A l’opposé des mensonges du développement personnel il y a la représentation publique, la transe collective. Cela je le crois intimement.


Alors avec tout ce que je suis, que j’ai pu traverser, rencontrer, vivre. Venir en “solo” sur le plateau. Représentant tout ce monde qui œuvre à l’arrière: tout donner, tout mélanger, tout attiser, tout rendre, gratuitement… ou presque. 


Ed.
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